Le peintre lyon­nais présente à la gale­rie Michel Descours trente oeuvres inspi­rées d’un tableau de Cons­table. Une série de varia­tions autour de la couleur.

Il est des œuvres qui marquent comme des rencontres. Quand l’an­née dernière, Patrice Giorda se rend à la Tate Gallery alors qu’il expose à Londres, il est saisi par un tableau de Cons­table : l’Etude pour le château de Hadleigh. Une oeuvre qu’il avait déjà vue sans qu’elle ne le marque, mais qui cette fois lui fit l’ef­fet d’un choc. « Il y a ce bleu froid, ce souffle de couleurs assez drama­tique qui a touché quelque chose d’in­time en moi et sur lequel il est diffi­cile de mettre des mots. Ce tableau m’a mis en mouve­ment et m’a donné envie de peindre  ». Sans but précis sinon celui de retrou­ver l’état dans lequel l’oeuvre de Cons­table l’a plongé, le peintre réalise un premier tableau, puis un second. Il en pein­dra fina­le­ment 28 en 2018, en l’es­pace d’à peine quatre mois, puis encore deux cette année. Dans cette nouvelle série, on retrouve ce qui fait la patte de Patrice Giorda : couleurs franches et compactes, mouve­ment de la matière, lumière en clair-obscur… celui qui s’in­té­resse aux paysages et à l’es­pace explique « recher­cher la charge d’abs­trac­tion qu’il y a dans la réalité  » mais reste un peintre figu­ra­tif, ce qui fait de lui un artiste à contre-courant à l’heure de l’art abstrait.

La bles­sure origi­nelle

Si le Lyon­nais a décidé à vingt ans de deve­nir peintre sans savoir ce que cela voulait dire, mais par « besoin d’ex­pri­mer une sensi­bi­lité  », depuis, la pein­ture a suivi sa vie. Qu’il se trouve en Italie, à New-York ou à Lyon, il peint des paysages qui lui sont inté­rieurs, qui parlent de lui. A Lyon, il est surtout inspiré par la place Belle­cour, dont il a produit une ving­taine de versions, le Confluent dont il aime le ciel immense et l’éner­gie et la colline de Four­vière. Mais il est un lieu lyon­nais qui l’a parti­cu­liè­re­ment marqué : l’ins­ti­tu­tion des Laza­ristes, dont il devient pension­naire en sixième. « Cette expé­rience a été une brisure en même temps qu’une fonda­tion, un enfer­me­ment plein de lumière. J’ai été arra­ché à mon milieu fami­lial mais j’ai décou­vert l’im­por­tance de l’ami­tié  », se souvient le peintre. En 1983, à 30 ans, Patrice Giroda ressent le besoin de reve­nir sur ce lieu origi­nel qui l’a struc­turé. Il peint plusieurs tableaux de sa salle de classe de sixième, qui n’avait alors pas bougé d’un iota. Mais c’est aussi avec cette série qu’il affirme avoir trouvé son iden­tité de peintre, voilà comment les Laza­ristes l’ont fondé par deux fois. Giorda y revien­dra une nouvelle fois, pour peindre cette fois-ci des lieux exté­rieurs comme les cours et les esca­liers.

Figures trop humaines

L’autre passion de l’ar­tiste après le travail de l’es­pace, c’est la figure humaine. « Mais le dessin me suffit. La pein­ture est un geste, sans dessin préa­lable, je mélange parfois les couleurs à même la toile. Alors que pour le portrait, j’ai besoin de lignes justes pour saisir la psycho­lo­gie de quelqu’un.  » Sa parti­ci­pa­tion au programme Compli­cité d’éva­sion dans les prisons de Saint-Paul, Saint-Joseph et Mont­luc, où il dessi­nait les déte­nus, a été déter­mi­nante dans son envie de faire du portrait. Il y a eu ensuite les grands portraits inspi­rés de Velasquez, peints cette fois. « Ce sont des person­nages qu’on aurait pu croi­ser la veille et qui m’ont inspiré pour descendre en moi ». Dernière preuve que la figure humaine compte autant que les paysages : le peintre prépare pour 2021 une grande expo­si­tion lyon­naise de tous ses portraits. Caro­line Sicard

Les varia­tions Hadleigh, expo­si­tion de Patrice Giorda. Jusqu’au samedi 30 novembre à la Gale­rie Michel Descours, Lyon 2e. Du lundi au samedi de 9h30 à 12h et de 14h30 à 19h. Entrée libre. pein­tures-descours.fr